• Tout ce que vous aimeriez savoir sans jamais oser me le demander

                                                                                                                                                                     Image trouvée sur Internet

    300 millions. Le silence. Un seul objectif : un écrin de velours au jardin d’éden. Y entrer seul. Performant. Motivé.
    Aujourd’hui, j’aurais tendance à dire que l’expression « Jardin d’éden », était un peu exagérée. Mais, à cette époque, un objectif et une mission me suffisaient. Le salaire était superfétatoire.

    Les salauds, ils commençaient déjà à pousser sur la ligne de départ ! Je me revois encore avec ma grosse tête rouge et mon gracieux flagellum, sur "le chemin de Katmandou".
    Certains de mes adversaires présentaient quelques vices de forme ou de mobilité. Ils furent immédiatement mis à mort. Mes chances s’accroissaient, mon centriole s'affolait déjà.
    Pas de pitié pour les vilains petits « spermatos » boiteux. La glaire cervicale avait sévi : quatre vingt dix neuf pour cent de mes rivaux déjà avaient péri.
    Pour éviter les chausse-trappes des derniers survivants, j’ai dû pousser, frapper et… tuer même. Ce fut à dire vrai, la période la plus combative de mon existence.
    Enfin, au bout du chemin, pour moi seul, la porte s’ouvrit sur un palais merveilleux, un petit nid douillet où je pus enfin me reposer. Neuf mois de formation sans rémunération ! Quelle grandeur d’âme, j’avais en ce temps-là !
    Lorsque j’étais encore dans les eaux tièdes et nourricières, au berceau de l’humanité, je n’avais pas conscience. Je n’étais ni erectus, ni sapiens, et pas encore Homo faber demens.
    Sentant bien la gêne que je causais, malgré la discrétion dont je faisais preuve, il me fallut quitter le doux ventre maternel.
    Et à partir de cet instant, commençaient les emmerdements.
    Vite, en salle de travail entendis-je hurler à travers la mince paroi carnée qui me protégeait encore. Encore que là, "je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre"... Hier, sous le règne de Nicolas 1er dit le Terrible, aujourd'hui sous celui de Piou-Piou dit le Mou, on parle plutôt de salle de chômage.
    « Travail » donc, voilà le premier mot audible dont je me souvienne. C’est fou comme parfois un mot vous colle à la peau et aux basques, sans que vous puissiez espérer vous en débarrasser.
    Les autres, les spermato-arrivistes, ils m’attendaient à la sortie. A voir leurs têtes ridicules, je compris que j’avais devant moi une représentation figée de la civilisation judéo-chrétienne dans laquelle j’allais devoir encore nager dur… Mais cette fois loin du liquide nourricier… Et j’ai pleuré. Aussitôt, ils ont conclu que j’étais un petit bébé normal.
    Alors, en petit bébé « normal », j’ai appris à parler leur langue, à feindre l’obéissance et le respect de leurs lois. Tant et si bien que je compris vite, entre deux dessins animés crétinisants, que sans l’argent et le pouvoir… point de salut. J'étais foutu. Alors, chaque matin, je me déguise pour avoir l’air… dans l’air du temps.
    Me voilà arrivé à l’âge de mes artères, plus serein. Socialement correct, propre sur moi, je fais mes besoins seulement aux endroits dédiés à cet effet.
    Plus porté sur la réflexion et la contemplation que sur l’action pure et souvent futile, j’essaie de survivre au « bougisme » ambiant.
    Vous savez tout maintenant.


    27 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires